Saturday, 22 February 2025

Pourquoi le Rapport Mapping n'a pas été considéré et ses recommandations non mises en exécution

Pourquoi le Rapport Mapping n'a pas été considéré et ses recommandations non mises en exécution

Le Rapport Mapping de l'ONU sur la RDC est un document fondamental qui recense les violations graves des droits humains et du droit international humanitaire commises en République Démocratique du Congo entre 1993 et 2003. Cependant, malgré son importance, ce rapport n'a jamais été pris en compte de manière sérieuse par la communauté internationale et ses recommandations n'ont pas été mises en exécution.

1. Pourquoi le Rapport Mapping n'a pas été considéré et ses recommandations non mises en exécution

Le Rapport Mapping a révélé des atrocités massives impliquant plusieurs acteurs étatiques et non étatiques, y compris les forces armées rwandaises (APR), ougandaises (UPDF), ainsi que divers groupes armés congolais et étrangers. Les raisons de la non-exécution des recommandations sont multiples :

  • Intérêts géopolitiques et économiques : Le Rwanda et l'Ouganda, deux acteurs clés cités dans le rapport, sont soutenus par des puissances occidentales, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni. Le rôle stratégique de ces pays dans la région des Grands Lacs et leurs liens économiques avec des multinationales exploitant les ressources minières de la RDC expliquent en partie le silence et l'inaction internationale.
  • Pressions politiques et diplomatiques : Le Rwanda, sous la présidence de Paul Kagame, a exercé une forte pression diplomatique pour empêcher toute action contre ses hauts responsables militaires, menaçant même de retirer ses troupes des missions de maintien de la paix de l’ONU.
  • Absence de volonté politique en RDC : Les gouvernements congolais successifs, sous Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, n'ont pas accordé une priorité à la mise en œuvre des recommandations du rapport, notamment en raison des fragilités politiques internes et du manque d'une justice indépendante.
  • Lenteur et inefficacité du système judiciaire international : Aucune juridiction internationale n'a été saisie pour juger les crimes documentés, faute d'un cadre institutionnel et de pressions suffisantes pour mener à bien ces poursuites.

2. Que doit faire la RDC pour que le rapport soit suivi d’effet ?

La RDC doit prendre plusieurs mesures pour assurer que le Rapport Mapping ait des effets concrets :

  • Création d'un tribunal pénal international pour la RDC : Une cour spéciale, semblable aux tribunaux pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie, permettrait de juger les crimes les plus graves.
  • Engagement diplomatique : Kinshasa doit renforcer ses plaidoyers auprès de l’ONU et de l’Union Africaine pour exiger justice et réparation.
  • Renforcement de la justice nationale : La mise en place de mécanismes judiciaires crédibles en RDC, avec le soutien de la communauté internationale, pourrait favoriser les poursuites locales.
  • Pression populaire et mobilisation citoyenne : Les organisations de la société civile et les victimes doivent continuer à exiger justice en organisant des campagnes de sensibilisation et en documentant de nouvelles preuves.
  • Collaboration avec des ONG et institutions internationales : Human Rights Watch, Amnesty International et d’autres organisations peuvent jouer un rôle crucial pour appuyer les enquêtes et les plaidoyers.

3. Rôle du Rwanda et de l’Ouganda dans les crimes documentés

Le Rwanda et l’Ouganda ont joué un rôle majeur dans les guerres en RDC, justifiant leur intervention par des préoccupations sécuritaires liées aux groupes armés hostiles opérant à l’Est de la RDC.

  • Le Rwanda : Les forces de l'APR ont mené plusieurs offensives en RDC sous prétexte de poursuivre les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle composé d’anciens génocidaires hutus. Toutefois, des rapports crédibles, y compris le Rapport Mapping, montrent que ces interventions ont souvent ciblé des populations civiles et des réfugiés hutus, aboutissant à des massacres de grande ampleur.
  • L’Ouganda : L'UPDF a également été impliquée dans des pillages massifs des ressources naturelles congolaises et des violations des droits humains, y compris des assassinats et des déplacements forcés.

4. Massacres des réfugiés hutus et responsables

Les réfugiés hutus ayant fui le Rwanda après le génocide de 1994 ont été systématiquement traqués et massacrés en RDC par l'APR et ses alliés congolais.

  • Estimation des réfugiés hutus tués : Selon plusieurs sources, entre 200 000 et 300 000 réfugiés hutus, y compris des enfants et des vieillards qui n’avaient pas participé au génocide rwandais, ont été massacrés en RDC.
  • Méthodes de massacre : Ces crimes incluaient des exécutions sommaires, des fosses communes et des incendies de camps de réfugiés.
  • Responsables directs : Des commandants militaires rwandais, notamment James Kabarebe, qui était un haut responsable de l'APR et plus tard ministre de la Défense du Rwanda, ont joué un rôle clé dans ces massacres.
  • Responsabilité indirecte : Certains dirigeants congolais ont fermé les yeux ou facilité les opérations rwandaises en RDC.

5. Le massacre des réfugiés hutus est-il un génocide ?

Le massacre des réfugiés hutus en RDC pourrait être considéré comme un génocide, selon la définition de la Convention sur le Génocide de 1948, qui qualifie de génocide tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.

  • Arguments en faveur de la qualification de génocide :
    • L’ampleur des massacres ciblés contre les réfugiés hutus, y compris les femmes, les enfants et les vieillards non-combattants.
    • L’intention manifeste d’éliminer une partie de la population hutue en raison de son identité.
    • La planification systématique des massacres par des acteurs étatiques rwandais.
  • Obstacles à la reconnaissance internationale :
    • La pression diplomatique exercée par le Rwanda pour éviter toute reconnaissance officielle.
    • L’absence de volonté politique de la communauté internationale pour enquêter sur ces crimes.
    • Le silence des institutions judiciaires internationales face aux preuves accumulées.

6. Comment punir les auteurs des massacres

Pour que justice soit rendue, plusieurs actions sont envisageables :

  • Saisir la Cour Pénale Internationale (CPI) : Bien que la CPI ait été critiquée pour son manque d’indépendance, elle pourrait être un outil pour juger les responsables des crimes documentés.
  • Mettre en place des sanctions internationales : La communauté internationale peut imposer des sanctions ciblées contre les individus impliqués dans ces crimes.
  • Exiger des extraditions et des poursuites judiciaires locales : Des mécanismes de coopération judiciaire internationale peuvent être activés pour permettre l’arrestation et le jugement des responsables.
  • Déclassification des documents et enquêtes indépendantes : Une pression doit être exercée pour que les États-Unis et d’autres pays déclassifient des documents pouvant incriminer des hauts responsables rwandais.

Conclusion

Le Rapport Mapping de l'ONU sur la RDC demeure un document clé pour la justice transitionnelle en Afrique centrale. Son inapplication est due à des intérêts géopolitiques, au manque de volonté politique en RDC et aux pressions exercées par le Rwanda et l’Ouganda. Pour que justice soit rendue, la reconnaissance du massacre des réfugiés hutus comme un génocide pourrait être une étape essentielle afin de garantir la fin de l’impunité dans la région.

Produced by Africa Rights Alliance