Pourquoi le Rapport Mapping n'a pas été considéré et ses recommandations non mises en exécution
Le Rapport
Mapping de l'ONU sur la RDC est un document fondamental qui recense les
violations graves des droits humains et du droit international humanitaire
commises en République Démocratique du Congo entre 1993 et 2003. Cependant,
malgré son importance, ce rapport n'a jamais été pris en compte de manière
sérieuse par la communauté internationale et ses recommandations n'ont pas été
mises en exécution.
1. Pourquoi le Rapport Mapping n'a pas été considéré et ses
recommandations non mises en exécution
Le Rapport Mapping a
révélé des atrocités massives impliquant plusieurs acteurs étatiques et non
étatiques, y compris les forces armées rwandaises (APR), ougandaises (UPDF),
ainsi que divers groupes armés congolais et étrangers. Les raisons de la
non-exécution des recommandations sont multiples :
- Intérêts géopolitiques et économiques : Le Rwanda et l'Ouganda, deux acteurs
clés cités dans le rapport, sont soutenus par des puissances occidentales,
notamment les États-Unis et le Royaume-Uni. Le rôle stratégique de ces
pays dans la région des Grands Lacs et leurs liens économiques avec des
multinationales exploitant les ressources minières de la RDC expliquent en
partie le silence et l'inaction internationale.
- Pressions politiques et diplomatiques : Le Rwanda, sous la présidence de Paul
Kagame, a exercé une forte pression diplomatique pour empêcher toute
action contre ses hauts responsables militaires, menaçant même de retirer
ses troupes des missions de maintien de la paix de l’ONU.
- Absence de volonté politique en RDC : Les gouvernements congolais successifs,
sous Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, n'ont pas accordé une priorité à
la mise en œuvre des recommandations du rapport, notamment en raison des
fragilités politiques internes et du manque d'une justice indépendante.
- Lenteur et inefficacité du système
judiciaire international : Aucune juridiction internationale n'a été saisie pour juger les
crimes documentés, faute d'un cadre institutionnel et de pressions
suffisantes pour mener à bien ces poursuites.
2. Que doit faire la RDC pour que le rapport soit suivi d’effet ?
La RDC doit prendre
plusieurs mesures pour assurer que le Rapport Mapping ait des effets concrets :
- Création d'un tribunal pénal international
pour la RDC :
Une cour spéciale, semblable aux tribunaux pour le Rwanda ou
l’ex-Yougoslavie, permettrait de juger les crimes les plus graves.
- Engagement diplomatique : Kinshasa doit renforcer ses plaidoyers
auprès de l’ONU et de l’Union Africaine pour exiger justice et réparation.
- Renforcement de la justice nationale : La mise en place de mécanismes
judiciaires crédibles en RDC, avec le soutien de la communauté
internationale, pourrait favoriser les poursuites locales.
- Pression populaire et mobilisation
citoyenne :
Les organisations de la société civile et les victimes doivent continuer à
exiger justice en organisant des campagnes de sensibilisation et en
documentant de nouvelles preuves.
- Collaboration avec des ONG et institutions
internationales : Human Rights Watch, Amnesty International et d’autres
organisations peuvent jouer un rôle crucial pour appuyer les enquêtes et
les plaidoyers.
3. Rôle du Rwanda et de l’Ouganda dans les crimes documentés
Le Rwanda et l’Ouganda
ont joué un rôle majeur dans les guerres en RDC, justifiant leur intervention
par des préoccupations sécuritaires liées aux groupes armés hostiles opérant à
l’Est de la RDC.
- Le Rwanda : Les forces de l'APR ont mené plusieurs
offensives en RDC sous prétexte de poursuivre les Forces Démocratiques de
Libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle composé d’anciens
génocidaires hutus. Toutefois, des rapports crédibles, y compris le Rapport
Mapping, montrent que ces interventions ont souvent ciblé des populations
civiles et des réfugiés hutus, aboutissant à des massacres de grande
ampleur.
- L’Ouganda : L'UPDF a également été impliquée dans
des pillages massifs des ressources naturelles congolaises et des
violations des droits humains, y compris des assassinats et des
déplacements forcés.
4. Massacres des réfugiés hutus et responsables
Les réfugiés hutus ayant
fui le Rwanda après le génocide de 1994 ont été systématiquement traqués et
massacrés en RDC par l'APR et ses alliés congolais.
- Estimation des réfugiés hutus tués : Selon plusieurs sources, entre 200 000
et 300 000 réfugiés hutus, y compris des enfants et des vieillards qui
n’avaient pas participé au génocide rwandais, ont été massacrés en RDC.
- Méthodes de massacre : Ces crimes incluaient des exécutions
sommaires, des fosses communes et des incendies de camps de réfugiés.
- Responsables directs : Des commandants militaires rwandais,
notamment James Kabarebe, qui était un haut responsable de l'APR et plus
tard ministre de la Défense du Rwanda, ont joué un rôle clé dans ces
massacres.
- Responsabilité indirecte : Certains dirigeants congolais ont fermé
les yeux ou facilité les opérations rwandaises en RDC.
5. Le massacre des réfugiés hutus est-il un génocide ?
Le massacre des réfugiés
hutus en RDC pourrait être considéré comme un génocide, selon la définition de
la Convention sur le Génocide de 1948, qui qualifie de génocide tout acte
commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux.
- Arguments en faveur de la qualification de
génocide :
- L’ampleur
des massacres ciblés contre les réfugiés hutus, y compris les femmes, les
enfants et les vieillards non-combattants.
- L’intention
manifeste d’éliminer une partie de la population hutue en raison de son
identité.
- La
planification systématique des massacres par des acteurs étatiques
rwandais.
- Obstacles à la reconnaissance
internationale :
- La
pression diplomatique exercée par le Rwanda pour éviter toute
reconnaissance officielle.
- L’absence
de volonté politique de la communauté internationale pour enquêter sur
ces crimes.
- Le
silence des institutions judiciaires internationales face aux preuves
accumulées.
6. Comment punir les auteurs des massacres
Pour que justice soit
rendue, plusieurs actions sont envisageables :
- Saisir la Cour Pénale Internationale (CPI) : Bien que la CPI ait été critiquée pour
son manque d’indépendance, elle pourrait être un outil pour juger les
responsables des crimes documentés.
- Mettre en place des sanctions
internationales : La communauté internationale peut imposer des sanctions ciblées
contre les individus impliqués dans ces crimes.
- Exiger des extraditions et des poursuites
judiciaires locales : Des mécanismes de coopération judiciaire internationale peuvent
être activés pour permettre l’arrestation et le jugement des responsables.
- Déclassification des documents et enquêtes
indépendantes :
Une pression doit être exercée pour que les États-Unis et d’autres pays
déclassifient des documents pouvant incriminer des hauts responsables
rwandais.
Conclusion
Le Rapport Mapping de
l'ONU sur la RDC demeure un document clé pour la justice transitionnelle en
Afrique centrale. Son inapplication est due à des intérêts géopolitiques, au
manque de volonté politique en RDC et aux pressions exercées par le Rwanda et l’Ouganda.
Pour que justice soit rendue, la reconnaissance du massacre des réfugiés hutus
comme un génocide pourrait être une étape essentielle afin de garantir la fin
de l’impunité dans la région.
Produced by Africa Rights Alliance
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