Stratégies communautaires de rejet et de résistance contre l’occupation par la résistance pacifique.
La situation
dans l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) demeure une source de
préoccupation majeure, marquée par la présence et les actions déstabilisatrices
du RDF (Forces de Défense Rwandaises) et du groupe armé M23. La perspective
d'une reconquête des zones occupées sans recourir à la violence armée
représente un défi complexe mais potentiellement transformateur. Cet essai
explorera en profondeur les stratégies de résistance pacifique que la RDC
pourrait mettre en œuvre, en répondant aux questions fondamentales de comment,
quoi faire, quand, qui, pourquoi et où. La République Démocratique du Congo
(RDC) fait actuellement face à un défi majeur avec l'occupation de certaines
régions du Nord-Kivu et du Sud-Kivu par les forces du M23 et le RDF (Rwanda
Defence Force). La question fondamentale est de savoir comment reconquérir ces
territoires sans recourir à une confrontation armée. Plusieurs stratégies
communautaires peuvent être efficacement déployées pour rétablir la
souveraineté nationale et territoriale de manière pacifique, en utilisant des
mécanismes civils et politiques de résistance et de rejet de l'occupation.
Pourquoi la
résistance pacifique ?
Le choix de
la résistance pacifique comme moyen de reconquête territoriale se justifie par
plusieurs raisons fondamentales. Premièrement, elle permet d'éviter les pertes
humaines et les destructions matérielles inhérentes aux conflits armés. Dans
une région déjà marquée par des décennies de violence, privilégier une approche
non-violente pourrait ouvrir la voie à une paix plus durable et à une
réconciliation véritable. Deuxièmement, la résistance pacifique peut exercer
une pression morale et politique considérable sur les occupants et leurs
soutiens, tant au niveau national qu'international. En mettant en lumière les
injustices et les violations des droits de l'homme, elle peut mobiliser
l'opinion publique et inciter à une action diplomatique et politique plus
ferme. Troisièmement, une résistance populaire et non-violente peut délégitimer
l'autorité des occupants et rendre leur administration des territoires occupés
de plus en plus difficile, voire impossible à long terme. Enfin, elle favorise
l'unité et la mobilisation de la population locale, renforçant ainsi le
sentiment d'appartenance nationale et la détermination à recouvrer la
souveraineté. Ces stratégies doivent être mises en œuvre immédiatement et
simultanément dans toutes les régions occupées, principalement les villes
importantes comme Goma, Rutshuru, Masisi, Beni, et Bukavu. La coordination
constante entre les différentes communautés est essentielle afin de maximiser
l’impact de ces actions non violentes.
L'ensemble
de la population civile locale, les leaders communautaires, les activistes des
droits humains, les journalistes locaux, les groupes de jeunes et de femmes,
ainsi que les autorités religieuses doivent participer activement à ces
stratégies de résistance pacifique. Une coordination étroite avec le
gouvernement central, les FARDC et les groupes citoyens comme Wazalendo est
également cruciale.
La
résistance pacifique permet d'éviter les pertes humaines et matérielles qui
caractérisent généralement les conflits armés. Elle bénéficie d'une meilleure
acceptabilité internationale et renforce le positionnement diplomatique de la
RDC sur la scène mondiale. Elle démontre également une maturité politique et
une détermination morale face à l’occupation étrangère, tout en préservant la
cohésion sociale interne.
La
combinaison judicieuse de ces stratégies communautaires peut véritablement
changer le rapport de force sur le terrain, obligeant progressivement les
occupants à quitter les territoires sans avoir recours à la violence armée.
Quoi faire ?
Les stratégies communautaires de rejet et de résistance.
La
résistance pacifique repose sur une multitude d'actions coordonnées et
soutenues par la population locale. Voici les stratégies proposées et d'autres
moyens envisageables. La résistance pacifique constitue une stratégie morale
puissante. Elle inclut l'organisation systématique d’actions non violentes
telles que les sit-in, les marches pacifiques, et la sensibilisation
collective. Ces actions démontrent clairement aux occupants et à la communauté
internationale que la population locale rejette fermement la présence
étrangère.
- La
désobéissance aux nouvelles autorités non reconnues : Il s'agit d'un refus catégorique de coopérer avec les
administrations mises en place par le RDF et le M23. Cela peut se traduire
par le non-respect des directives, le refus de participer aux réunions
organisées par ces autorités, et le maintien des structures
administratives légitimes de la RDC dans la clandestinité. Cette stratégie
vise à paralyser l'administration des territoires occupés et à affirmer la
primauté de l'autorité congolaise.
- La
désobéissance civile : Elle implique le refus
organisé et constant de reconnaître la légitimité des nouvelles autorités
imposées par le RDF et le M23. Cela peut prendre la forme d'un refus
systématique d’exécuter les ordres ou directives venant de ces autorités
non reconnues, affaiblissant ainsi leur contrôle administratif et
politique.
- Les
grèves répétées : L'organisation de grèves
générales et sectorielles peut perturber l'activité économique et sociale
dans les zones occupées. Les commerçants peuvent fermer leurs boutiques,
les travailleurs peuvent cesser le travail, et les élèves et étudiants
peuvent boycotter les écoles et universités sous contrôle des occupants.
Ces actions envoient un message clair de rejet de l'occupation et de
solidarité avec la nation congolaise. Les grèves répétées paralysent
progressivement l’économie locale, compliquant la gestion des territoires
occupés par les autorités d’occupation. Ces grèves doivent être
coordonnées de façon régulière et stratégique afin de créer une pression
continue sur l’administration illégitime.
- Servir
d’informateurs aux FARDC et Wazalendo : Sans
s'engager dans des combats directs, la population locale peut jouer un
rôle crucial en fournissant des renseignements précis aux Forces Armées de
la République Démocratique du Congo (FARDC) et aux groupes d'autodéfense
Wazalendo sur les mouvements, les positions et les activités du RDF et du
M23. Cette collaboration discrète peut aider les forces régulières à mieux
planifier leurs actions et à exercer une pression indirecte sur les
occupants. Il est crucial que cette information soit transmise de manière
sécurisée pour protéger les informateurs.
- Soutien
Informatif aux FARDC et Wazalendo : Les
populations locales peuvent servir d'informateurs fiables aux Forces
Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et aux groupes
citoyens tels que Wazalendo. La collecte et la transmission discrètes
d’informations clés permettent de renforcer les stratégies de défense
nationale sans confrontation directe.
- Les
démonstrations répétées : L'organisation de
manifestations pacifiques, de sit-in et de marches peut permettre à la
population d'exprimer publiquement son opposition à l'occupation et de
réclamer le retour de l'autorité de l'État congolais. Ces démonstrations,
si elles sont massives et répétées, peuvent attirer l'attention des médias
nationaux et internationaux et exercer une pression politique sur les
occupants et la communauté internationale. Il est essentiel que ces
manifestations restent pacifiques pour éviter toute escalade de violence
de la part des occupants. Les manifestations régulières, organisées
pacifiquement et de manière visible, créent une pression médiatique et
internationale constante. Ces démonstrations mettent en lumière
l’illégitimité des forces occupantes et renforcent la mobilisation
citoyenne.
- Refuser
de payer les impôts : Le refus de payer les
impôts et les taxes aux autorités d'occupation peut priver ces dernières
de ressources financières essentielles pour leur fonctionnement. Cette
action, si elle est largement suivie par la population, peut affaiblir
considérablement la capacité des occupants à administrer les territoires
et à maintenir leur présence. En refusant collectivement de payer les
impôts aux autorités d’occupation, les communautés locales sapent
directement le financement des occupants, réduisant ainsi leur capacité à
maintenir une présence durable dans les territoires occupés.
- Demander
des salaires élevés : Les employés qui sont
contraints de travailler pour les autorités d'occupation peuvent
collectivement demander des salaires excessivement élevés, rendant ainsi
le coût de leur administration prohibitif. Cette stratégie peut être
particulièrement efficace dans les secteurs clés de l'administration et
des services publics. Les employés locaux travaillant pour les entreprises
ou les administrations contrôlées par les occupants doivent demander des
augmentations salariales substantielles. Cette stratégie vise à alourdir
le coût financier de l’occupation, poussant ainsi les occupants à renoncer
progressivement à leurs positions.
- Utiliser
les médias sociaux pour communiquer : Les
plateformes de médias sociaux peuvent être utilisées pour organiser et
coordonner les actions de résistance, diffuser des informations sur la
situation dans les zones occupées, dénoncer les abus des droits de l'homme
commis par le RDF et le M23, et mobiliser le soutien de la population
congolaise et de la communauté internationale. Il est important de
développer des stratégies pour contrer la désinformation et la
surveillance des occupants sur ces plateformes. Les médias sociaux sont
essentiels pour diffuser rapidement les informations sur les actions
d’occupation, mobiliser la solidarité nationale et internationale, et
dénoncer publiquement les abus commis. Les plateformes digitales doivent
être utilisées activement pour coordonner les actions communautaires de
résistance.
- Création
de Groupes Locaux de Mobilisation : Chaque
quartier ou communauté regroupant environ 500 personnes doit former un
groupe de mobilisation chargé de sensibiliser quotidiennement les
habitants. Ce groupe se rendra de porte en porte afin de renforcer la
solidarité communautaire et d'organiser des actions coordonnées contre
l’occupation. Créer des groupes de mobilisation dans chaque quartier
habité par 500 personnes : La création de petits groupes de mobilisation
au niveau local permet d'organiser la résistance de manière décentralisée
et efficace. Chaque groupe peut être chargé de sensibiliser les habitants
à la résistance contre l'occupation, de coordonner les actions de
désobéissance civile et de maintenir un esprit de solidarité et de
détermination au sein de la communauté. Cette approche de proximité
renforce l'engagement de la population et rend la résistance plus
difficile à réprimer par les occupants.
- Demander
au gouvernement central de mettre en place une radio FM locale de
résistance dans le Sud et le Nord-Kivu : Une
radio FM locale dédiée à la résistance peut jouer un rôle crucial dans la
diffusion d'informations fiables, la coordination des actions de
résistance, le maintien du moral de la population et la promotion d'un
sentiment d'unité nationale. Cette radio pourrait diffuser des messages de
sensibilisation, des appels à la désobéissance civile, des témoignages de
victimes d'abus et des informations sur les efforts de la RDC pour
recouvrer sa souveraineté.
- Installation
de Radios Communautaires de Résistance : Le
gouvernement central est invité à mettre en place des stations de radio FM
dédiées spécifiquement à la résistance pacifique dans les régions du Nord
et du Sud-Kivu. Ces radios doivent diffuser des messages de mobilisation,
informer la population sur les stratégies à adopter, et dénoncer
publiquement les actions des occupants.
- Documentation
des Exactions via un Site Web Dédié : Créer
et maintenir un site web accessible au public pour documenter
méthodiquement les violations des droits de l’homme et les abus commis par
le M23 et le RDF permet de constituer des preuves solides. Cette
documentation est essentielle pour mobiliser la communauté internationale
et renforcer les démarches diplomatiques visant à isoler politiquement les
occupants. Mettre en place un site web pour documenter les exactions et
abus des droits de l'homme commises par M23/RDF : La création d'un site
web dédié à la documentation des violations des droits de l'homme commises
par le RDF et le M23 est essentielle pour sensibiliser l'opinion publique
nationale et internationale à la situation dans les zones occupées. Ce
site pourrait recueillir des témoignages de victimes, des preuves
photographiques et vidéo, et des rapports d'organisations de défense des
droits de l'homme. Cette documentation peut être utilisée pour exercer une
pression politique et juridique sur les auteurs de ces abus et leurs
commanditaires.
- Autres
moyens : D'autres formes de résistance pacifique pourraient inclure :
- Le
boycott des produits et services provenant des zones sous contrôle des
occupants.
- L'organisation
de veillées et de prières pour la paix et la libération des territoires
occupés.
- La
création de réseaux de solidarité pour soutenir les personnes affectées
par l'occupation.
- L'utilisation
de l'art et de la culture (chants, poèmes, pièces de théâtre) pour
exprimer l'opposition à l'occupation et renforcer l'identité nationale.
- Le
recours à des formes de communication alternatives et cryptées pour
contourner la censure des occupants.
Comment
mettre en œuvre ces stratégies ?
La mise en
œuvre efficace de ces stratégies nécessite une coordination et une organisation
solides. Cela pourrait impliquer la création de comités de résistance au niveau
local, régional et national, regroupant des représentants de la société civile,
des leaders communautaires, des organisations de défense des droits de l'homme
et des citoyens engagés. Ces comités seraient chargés de planifier, de
coordonner et de soutenir les différentes actions de résistance. La
communication est également essentielle. Il est crucial de mettre en place des
canaux de communication fiables et sécurisés pour informer la population,
diffuser les consignes de résistance, partager des informations et coordonner
les actions. L'utilisation des médias sociaux, des radios communautaires
(lorsqu'elles sont possibles) et des réseaux de communication informels peut
être particulièrement utile. La formation et la sensibilisation de la
population aux principes et aux méthodes de la résistance pacifique sont
également cruciales. Il est important d'expliquer aux gens comment participer
aux différentes actions de résistance de manière sûre et efficace, et de les
encourager à rester unis et déterminés face à l'occupation.
Qui sont les
acteurs de cette résistance ?
La
résistance pacifique doit être un mouvement populaire et inclusif, impliquant
tous les segments de la société congolaise dans les zones occupées :
- La
population locale : Elle est le principal
acteur de la résistance, par son engagement quotidien dans les différentes
formes d'action non-violente.
- Les
leaders communautaires et religieux : Ils
peuvent jouer un rôle crucial en mobilisant et en inspirant la population,
en prêchant la non-violence et en dénonçant l'occupation.
- Les
organisations de la société civile et de défense des droits de l'homme : Elles peuvent apporter leur expertise en matière d'organisation,
de documentation et de plaidoyer.
- Les
intellectuels et les artistes : Ils peuvent utiliser
leur créativité pour sensibiliser l'opinion publique et renforcer le
sentiment national.
- Le
gouvernement central de la RDC : Il a un rôle essentiel à
jouer en soutenant et en coordonnant les efforts de résistance pacifique,
en fournissant des ressources et en exerçant une pression diplomatique sur
les occupants et leurs soutiens.
- La
diaspora congolaise : Elle peut mobiliser le
soutien international, sensibiliser l'opinion publique mondiale et exercer
une pression politique sur les gouvernements étrangers et les
organisations internationales.
- Autres Moyens Complémentaires :
- Mobilisation
internationale : Solliciter activement
le soutien des organisations internationales, des ONG des droits humains,
et des gouvernements étrangers influents afin d’exercer une pression
diplomatique sur les occupants.
- Renforcement
de l'unité nationale : Promouvoir activement
l'unité et la solidarité interethnique et intercommunautaire afin
d’éviter toute instrumentalisation des divisions internes par les
occupants.
- Campagnes
d'éducation civique : Organiser des ateliers
et séminaires visant à renforcer la conscience citoyenne, la
compréhension des droits humains fondamentaux et les stratégies de
résistance non violente efficaces.
- Engagement
religieux et spirituel : Impliquer les leaders
religieux dans la diffusion des messages pacifiques, encourageant la
résilience communautaire et dénonçant moralement l’occupation.
Où cette
résistance doit-elle se manifester ?
La
résistance pacifique doit se manifester principalement dans les zones occupées
par le RDF et le M23, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Cependant, il est également important que la résistance se manifeste dans le
reste du pays et au niveau international, afin de créer un mouvement de
solidarité et de soutien à la population des zones occupées.
Quand cette
résistance doit-elle avoir lieu ?
La
résistance doit commencer le plus tôt possible et être menée de manière
continue et soutenue. Il ne s'agit pas d'une action ponctuelle, mais d'un
processus à long terme qui nécessite de la patience, de la persévérance et de
la détermination. Il est important de maintenir la pression sur les occupants
et de ne pas leur laisser de répit. La synchronisation des actions de
résistance peut également être stratégique, par exemple en organisant des
grèves et des manifestations simultanées dans différentes localités.
Conclusion :
Un chemin difficile mais porteur d'espoir.
La
reconquête des zones occupées par le RDF et le M23 sans recourir à la violence
armée est un défi immense qui nécessitera une mobilisation exceptionnelle de la
population congolaise, un leadership politique fort et un soutien international
constant. Les stratégies de résistance pacifique proposées offrent une voie
alternative aux conflits armés, une voie qui privilégie la dignité humaine, la
justice et la construction d'une paix durable. Bien que le chemin soit semé
d'embûches et que les occupants puissent réagir avec violence à ces actions de
résistance, la détermination et l'unité du peuple congolais, associées à une
stratégie bien coordonnée et à un engagement ferme envers les principes de la
non-violence, peuvent à terme conduire à la libération des territoires occupés
et au rétablissement de la souveraineté de la République Démocratique du Congo.
La communauté internationale a également un rôle crucial à jouer en soutenant
ces efforts de résistance pacifique et en exerçant une pression accrue sur les
acteurs régionaux qui soutiennent l'occupation. La victoire par la résistance
pacifique, bien que plus lente et plus exigeante, pourrait être la plus durable
et la plus transformatrice pour l'avenir de la RDC.
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Preparé par: African Rights Alliance, London, UK