Le piège contre Tshisekedi : fédéralisme imposé, Conférence nationale et le spectre d’Arusha
Depuis 2019, Félix
Tshisekedi occupe la magistrature suprême de la République démocratique du
Congo (RDC). Sa mission est aussi lourde qu’historique : gouverner un pays
immense, doté de ressources colossales mais fragilisé par des décennies de
conflits et d’ingérences étrangères. Or, à mesure que son mandat avance, une
idée revient avec insistance : instaurer un fédéralisme institutionnel.
Certains le présentent
comme la clé d’une meilleure gestion des diversités locales. Mais pour
d’autres, c’est un piège soigneusement orchestré, aussi bien par des
forces internes que par des puissances extérieures, destiné à affaiblir l’État,
marginaliser Tshisekedi et ouvrir la voie à la balkanisation du pays.
Cette stratégie rappelle
étrangement le précédent rwandais des années 1990, où le président Juvénal
Habyarimana, pris au piège des Accords d’Arusha, conserva son titre mais perdit
la substance du pouvoir. Une tragédie qui aboutit à son assassinat et à la
victoire du Front patriotique rwandais (FPR).
Le spectre d’un tel
scénario plane aujourd’hui sur la RDC.
1. Le précédent rwandais : Arusha, un trône sans sceptre
En 1990, le Rwanda entre
en guerre civile suite à l’invasion du FPR depuis l’Ouganda. Sous pressions
militaires et diplomatiques, le président Habyarimana accepte de négocier. Les Accords d’Arusha (1993) prévoyaient :
- La reconnaissance d’Habyarimana comme
président de transition.
- L’intégration du FPR dans l’armée et le
gouvernement.
- Un partage du pouvoir institutionnel.
En apparence, Habyarimana
sauvegardait son titre. Mais en réalité, il cédait l’essence du pouvoir :
l’armée, les institutions et le contrôle territorial. Pendant que le
gouvernement se perdait dans les négociations, le FPR consolidait son
implantation, continuait ses infiltrations et préparait sa victoire finale.
Le mécanisme était simple
: laisser au président le symbole, mais lui ôter la substance. La suite
est connue : l’attentat contre l’avion présidentiel en 1994 marqua sa chute
brutale et l’ascension définitive du FPR.
De même, adopter le
fédéralisme en RDC ne mettra pas fin aux guerres de l’Est. Comme le FPR
hier, le M23 — appuyé par Kigali — poursuivra son agenda jusqu’à obtenir un
contrôle total du Kivu.
2. Le spectre du fédéralisme en RDC
Le Congo n’est pas
étranger aux tensions séparatistes. Dès 1960, le Katanga et le Sud-Kasaï
avaient tenté de faire sécession. Mobutu, conscient du risque de dislocation,
imposa un hyper-centralisme autoritaire pour maintenir l’unité.
La Constitution de 2006 a
introduit la décentralisation, mais son application reste incomplète, faute de
moyens et de volonté politique. Aujourd’hui, certains leaders provinciaux
réclament un pas supplémentaire vers le fédéralisme — en particulier
dans les régions riches en ressources.
Mais derrière l’argument
séduisant de l’autonomie se cache un risque de balkanisation. Dans un
pays entouré de voisins hostiles (Rwanda, Ouganda), où les ingérences sont
constantes, un fédéralisme mal conçu pourrait vite transformer la RDC en une
mosaïque de mini-États, chacun sous la coupe d’intérêts étrangers.
3. Le piège de la Conférence nationale
Un scénario redouté
serait la convocation d’une Conférence nationale ou d’un « dialogue
inclusif ». Tshisekedi pourrait y être reconnu président légitime, mais à un
prix : accepter le fédéralisme.
Le risque est identique à
celui d’Arusha : Tshisekedi garderait le titre de président, mais le pouvoir
réel basculerait vers les provinces — dont certaines sous occupation ou
influence étrangère.
La Conférence nationale,
loin d’être un espace démocratique, pourrait alors devenir un marchandage
fatal où l’unité nationale se sacrifierait sur l’autel de réformes imposées de
l’extérieur.
4. Kagame, le M23 et le fédéralisme comme cheval de Troie
Depuis 2021, le M23 —
soutenu par Kigali — occupe des zones entières du Nord-Kivu. Officiellement,
ses revendications concernent la protection des Tutsi congolais. En réalité,
son but stratégique est clair : garantir au Rwanda un accès direct et durable aux
minerais congolais (coltan, or, cassitérite).
Dans ce contexte, le fédéralisme
devient une arme politique. Kigali pourrait obtenir que les zones occupées
soient transformées en entités fédérées, dotées d’une large autonomie. Ce
serait l’étape vers une sécession légalisée et un État satellite
contrôlé par Kigali.
Autrement dit, le
fédéralisme serait un cheval de Troie juridique : légitimer par le droit
ce que le M23 a conquis par les armes.
5. Pourquoi le fédéralisme imposé est un danger mortel
Les risques sont multiples :
1.
Fragmentation territoriale : la RDC se transformerait en confédération de provinces fragiles.
2.
Sécessions facilitées : certaines entités pourraient proclamer l’indépendance avec le soutien
d’États voisins.
3.
Institutionnalisation de l’occupation : les zones tenues par le M23 deviendraient
autonomes de facto.
4.
Pénétration étrangère accrue : Rwanda, Ouganda et multinationales contrôlant directement les
provinces riches en minerais.
5.
Marginalisation présidentielle : Tshisekedi garderait la fonction symbolique, mais perdrait tout
pouvoir réel.
6.
Illusion de paix : comme au Rwanda, un compromis institutionnel ne mettrait pas fin à la
guerre, il ne ferait que la reporter.
6. Les leçons de l’histoire
Le Rwanda des années 1990
avertit le Congo d’un danger imminent : un président qui accepte une réforme
imposée pour conserver son titre prépare sa propre chute et la désintégration
de son pays.
Habyarimana a commis
cette erreur. Tshisekedi ne doit pas la répéter.
7. Quelle voie pour le Congo ?
Le débat sur le
fédéralisme ne doit pas être interdit, mais il doit obéir à trois règles :
1.
Origine interne : il doit venir des Congolais, pas être imposé par Kigali, Kampala ou
des bailleurs internationaux.
2.
Paix avant réforme : aucune réorganisation territoriale ne peut être dictée par les armes
du M23.
3.
Processus constitutionnel : toute réforme doit suivre les procédures prévues, être débattue
nationalement et validée par référendum.
4.
Solutions congolaises : le M23 ou toute force armée ne peut prétendre représenter la nation
entière.
Conclusion : Éviter un « Arusha congolais »
L’ombre d’Arusha plane
sur Kinshasa. Le piège est clair : offrir à Tshisekedi le fauteuil
présidentiel, mais en échange d’un fédéralisme imposé qui viderait la
présidence de son pouvoir et livrerait le Congo aux forces extérieures.
Derrière les beaux
discours sur l’autonomie, se cache une stratégie cynique : légitimer la
balkanisation de la RDC.
L’histoire rwandaise est
un miroir. Tshisekedi doit y voir le reflet des risques qui guettent le Congo.
L’unité nationale ne peut être sacrifiée au profit de solutions dictées par
l’étranger.
Le Congo doit rester
vigilant et dire haut et fort :
« Non au fédéralisme imposé. Oui à une unité nationale pensée par les
Congolais et pour les Congolais. »
Prepared par :
Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte Bienvenue
African Rights Alliance
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