Depuis près de trois décennies, la République démocratique du Congo (RDC) demeure l'épicentre d'une instabilité régionale où s'entremêlent intérêts économiques, enjeux sécuritaires et rivalités d'influence. Les conflits récurrents dans l'Est du pays — notamment dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de l'Ituri et du Maniema — révèlent non seulement la fragilité structurelle de l'État congolais, mais surtout l'instrumentalisation systématique de cette faiblesse par des puissances étrangères et régionales.
Deux dynamiques
diplomatiques récentes incarnent cette réalité :
- Le système de Washington, qui repose sur une logique d'intégration
régionale économique et sécuritaire prétendument bénéfique à la stabilité,
mais dont les dividendes réels favorisent principalement le Rwanda ;
- Le système de Doha, qui tend à légitimer la rébellion du M23
et à entériner la fragmentation de la souveraineté congolaise au profit de
Kigali.
Dans les deux cas, ces
dispositifs de paix s'inscrivent dans une diplomatie de façade où les
mécanismes de résolution des conflits se transforment en outils d'influence et
de contrôle, plutôt qu'en instruments de justice et de souveraineté.
1. Le système de Washington : une paix asymétrique qui récompense
l'agresseur
1.1 L'architecture du système
Le "système de
Washington" désigne la politique américaine de gestion de la crise dans
les Grands Lacs, articulée autour de trois axes principaux :
1.
La sécurisation des zones minières stratégiques pour les chaînes d'approvisionnement mondiales
(cobalt, coltan, lithium, cuivre) ;
2.
La stabilisation régionale par l'intégration économique, notamment à travers la coopération entre le
Rwanda et la RDC, y compris l'exploitation commune de certaines ressources
congolaises ;
3.
La coopération sécuritaire privilégiée avec le Rwanda, perçu comme un partenaire stable et fiable.
Cette approche repose sur
une logique utilitariste : la stabilité régionale nécessiterait le leadership
d'un État fort, en l'occurrence le Rwanda. L'accord signé le 27 juin 2025 à
Washington entre la RDC et le Rwanda, avec la participation du président
Donald Trump, illustre cette vision : il privilégie une normalisation rapide
des relations sans résoudre les causes profondes du conflit.
1.2 L'exploitation systématique de la faiblesse congolaise
Consciente de son
incapacité à protéger son territoire et à valoriser seule ses ressources, la
RDC s'est tournée vers Washington pour obtenir un appui sécuritaire en échange
de garanties économiques dans le secteur minier. Cependant, cette dépendance a
créé une relation profondément asymétrique où le Congo apparaît davantage comme
un terrain d'expérimentation géostratégique que comme un acteur souverain.
Pendant ce temps, Paul
Kagame instrumentalise habilement cette dynamique : il se positionne comme un
acteur indispensable à la paix régionale, alors même que ses forces et ses
alliés — notamment le M23 — déstabilisent activement la RDC. Cette stratégie permet au Rwanda de :
- Bénéficier d'un capital diplomatique auprès
des puissances occidentales ;
- Obtenir des investissements et aides
bilatérales au nom de la stabilité régionale ;
- Maintenir un accès privilégié aux minerais
congolais via des circuits de contrebande structurés.
Selon le US Geological
Survey, les exportations de
coltan du Rwanda ont augmenté de 50% entre 2022 et 2023, alors que le pays ne
dispose pas de réserves suffisantes pour justifier de tels volumes. Ces
minerais proviennent en réalité de zones contrôlées par le M23 en RDC,
notamment de Rubaya, l'une des plus grandes sources de coltan au monde,
tombée aux mains du M23 en avril 2024. Les experts estiment que le M23 perçoit
au moins 800 000 dollars par mois uniquement grâce aux taxes sur le
coltan à Rubaya.
Ainsi, sous couvert du
"cadre de paix de Washington", Kigali tire profit d'un double
discours : d'un côté, celui du pacificateur régional ; de l'autre, celui de
l'agresseur silencieux qui profite économiquement du chaos qu'il entretient.
1.3 Les accords RDC–Rwanda : une illusion de coopération
Le système de Washington,
sous couvert d'intégration régionale, se transforme en outil d'annexion
économique indirecte. La RDC n'obtient que des miettes — quelques promesses
d'investissements et de soutien logistique — sans réelle restauration de sa
souveraineté territoriale ou économique. L'accord de Washington de juin 2025,
bien que présenté comme une avancée, n'a produit aucun changement concret sur
le terrain.
2. Le système de Doha : une paix de reconnaissance qui institutionnalise
la balkanisation
2.1 Origine et logique du système de Doha
Le "système de
Doha" fait référence aux négociations initiées au Qatar en avril 2025, où
des diplomates, représentants occidentaux et délégués du M23 se sont retrouvés
pour explorer une issue politique au conflit de l'Est.
Contrairement au système
de Washington (plus global et économique), le système de Doha repose sur une logique
de reconnaissance politique : il vise à intégrer le M23 dans un processus
de dialogue formel, le présentant non comme un groupe rebelle terroriste, mais
comme un acteur légitime des négociations.
Cette approche, défendue
par le Rwanda, postule que la paix ne peut se construire sans le M23, présenté
comme représentant d'une communauté "marginalisée" (les Tutsis
congolais). Cependant, cette narrative occulte sciemment le rôle direct et documenté
du Rwanda dans la formation, l'armement, le commandement et le financement du
M23.
2.2 L'offensive de janvier-février 2025 : un contexte de conquête
territoriale
Le processus de Doha
s'est ouvert alors que le M23, avec le soutien massif des Forces de défense
rwandaises (FDR), lançait sa plus importante offensive depuis 2012. Le 28
janvier 2025, le M23 s'est emparé de Goma, capitale du Nord-Kivu et
ville d'un million d'habitants, malgré la présence de la MONUSCO, des forces de
la SADC et de milices locales. Le 15 février 2025, c'est Bukavu,
capitale du Sud-Kivu, qui est tombée.
Ces conquêtes ont été
rendues possibles par un soutien rwandais massif. Le rapport du Groupe
d'experts de l'ONU, publié en juillet 2025, confirme le déploiement d'au
moins 6 000 soldiers rwandais en territoire congolais. Ce soutien inclut :
- Des formations militaires dans des camps
situés au Rwanda ;
- La fourniture d'armements sophistiqués :
drones turcs Bayraktar TB2, systèmes de missiles chinois SHORAD,
équipements de guerre électronique ;
- Un commandement opérationnel coordonné
impliquant des officiers supérieurs rwandais identifiés par l'ONU, dont
James Kabarebe (ministre de la Coopération régionale), le général Vincent
Nyakarundi (chef d'état-major des FDR) et le général Patrick Karuretwa.
Cette offensive a causé près
de 3 000 morts, dont le gouverneur militaire provincial, et provoqué le
déplacement de 500 000 personnes supplémentaires, s'ajoutant aux 2
millions de déplacés déjà recensés dans l'Est du pays.
2.3 La signature de Doha : une reconnaissance piégée
Malgré ce contexte de
conquête militaire, ou plutôt à cause de lui, le 19 juillet 2025, la RDC
et le M23 ont signé à Doha une déclaration de principe comprenant un
engagement pour un "cessez-le-feu permanent". Cette déclaration prévoyait :
- L'ouverture de négociations formelles au
plus tard le 8 août 2025 ;
- La signature d'un accord de paix global au
plus tard le 18 août 2025 ;
- Une "feuille de route pour le
rétablissement de l'autorité de l'État" dans les zones contrôlées par
le M23.
Cependant, ces
échéances n'ont pas été respectées. En novembre 2025, aucun accord de paix
définitif n'a été conclu. Les combats se poursuivent sporadiquement, le M23
maintient son contrôle sur Goma, Bukavu et les zones minières stratégiques, et
pose de nouvelles conditions avant tout accord : libération de centaines de
prisonniers, levée des mandats d'arrêt contre ses membres, et reconnaissance de
son statut politique.
En participant à ces
négociations, la RDC est tombée dans un piège de légitimation. Elle reconnaît
implicitement le M23 comme un acteur politique, alors même qu'il est
responsable de crimes de guerre et qu'il n'est qu'un proxy de l'armée
rwandaise.
2.4 Les conséquences de cette reconnaissance
Cette posture affaiblit
dramatiquement la position de Kinshasa :
- Elle sape la crédibilité du gouvernement
congolais, incapable de protéger sa population ;
- Elle conforte la narrative rwandaise
selon laquelle le conflit serait "interne" et non une agression
étrangère ;
- Elle éloigne la possibilité d'une
justice internationale contre Kigali pour ses ingérences documentées
et répétées ;
- Elle crée un précédent dangereux :
toute rébellion armée soutenue par un État voisin peut désormais exiger
une reconnaissance politique en échange d'un cessez-le-feu.
Le système de Doha, censé
apaiser, entérine au contraire la division territoriale et morale du pays. Il
institutionnalise la présence du M23 dans les zones conquises et prépare une
partition de fait du territoire congolais.
3. Les erreurs structurelles et la faiblesse stratégique de la RDC
3.1 Une lecture erronée des causes du conflit
Pendant des années, la
RDC — sous pression internationale — a accepté la narrative selon laquelle les Forces
démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) constituaient la principale
cause de l'instabilité régionale.
Cette vision, promue par
Kigali, a permis au Rwanda de justifier ses incursions militaires au Congo
comme des "opérations préventives" contre les FDLR, alors qu'elles
servaient de couverture à des objectifs économiques et territoriaux bien documentés.
En se focalisant sur
cette menace périphérique, Kinshasa a négligé la véritable nature du projet
rwandais : un projet expansionniste systématique visant à transformer le
Kivu en zone tampon économique et sécuritaire sous influence directe de Kigali.
Le président Félix
Tshisekedi, après plusieurs années de confiance dans la diplomatie régionale, a
finalement reconnu publiquement que le Rwanda cherche à annexer le Kivu,
non à protéger une minorité ethnique menacée. Mais cette prise de conscience
arrive tardivement, après des années de concessions diplomatiques.
3.2 Une dépendance diplomatique et sécuritaire risquée
Face à son incapacité à
défendre le territoire national, la RDC multiplie les partenariats externes :
États-Unis, France, forces de la SADC (Afrique du Sud, Malawi, Tanzanie),
Burundi, Ouganda. Paradoxalement, cette dépendance stratégique dilue la
souveraineté nationale dans un ensemble d'intérêts contradictoires.
Chaque partenaire
étranger agit selon ses propres priorités — économiques, militaires ou
diplomatiques — rarement alignées sur celles du peuple congolais :
- Les États-Unis privilégient l'accès aux
minerais stratégiques ;
- La France cherche à maintenir son influence
dans la région des Grands Lacs ;
- Les pays de la SADC poursuivent leurs
propres agendas sécuritaires ;
- Le Burundi craint une déstabilisation
similaire orchestrée par le Rwanda.
Pendant que la RDC attend
des secours extérieurs, ses voisins construisent des stratégies de long terme
fondées sur sa fragilité. Le Rwanda, lui, transforme sa petite taille en
avantage stratégique : il agit rapidement, parle d'une seule voix, et exploite
méthodiquement les divisions congolaises.
3.3 Une gouvernance interne incapable de résistance
Au-delà de la diplomatie,
le principal talon d'Achille de la RDC réside dans sa gouvernance interne
défaillante :
- Corruption endémique à tous les niveaux de
l'État ;
- Armée (FARDC) fragmentée, sous-équipée et
souvent indisciplinée ;
- Absence de contrôle effectif des frontières
orientales ;
- Faible cohésion nationale et divisions
ethno-régionales exploitables ;
- Incapacité à générer des revenus fiscaux
suffisants malgré d'immenses richesses minières.
Cette désorganisation
chronique rend le pays structurellement vulnérable aux manipulations
extérieures. Tant que le pouvoir congolais ne bâtira pas une vision
nationale claire de sécurité et de développement, il restera prisonnier de
cadres imposés par d'autres acteurs plus organisés et plus déterminés.
4. Les conséquences : vers une balkanisation silencieuse
Les deux systèmes —
Washington et Doha — convergent vers un même résultat funeste : la
déconstruction progressive de la souveraineté congolaise.
- Le système de Washington légitime
une dépendance économique et sécuritaire où le Rwanda devient le
partenaire privilégié des grandes puissances occidentales, malgré son rôle
d'agresseur documenté ;
- Le système de Doha confère une
reconnaissance politique au M23 et prépare une partition de fait du
territoire congolais, en institutionnalisant le contrôle rebelle sur des
zones stratégiques.
Dans les deux cas, Paul
Kagame sort gagnant :
- Il obtient la reconnaissance internationale
comme acteur incontournable de la stabilité régionale ;
- Il consolide la présence militaire
rwandaise dans le Kivu ;
- Il détourne les richesses minières vers
Kigali à travers des circuits désormais quasi-institutionnalisés ;
- Il impose son agenda politique à Kinshasa
malgré les résolutions de l'ONU.
Pendant ce temps, la RDC
reste engluée dans une logique défensive et réactive, accumulant les défaites
diplomatiques et territoriales.
La balkanisation du Congo
n'est donc pas un projet brutal d'annexion militaire classique, mais un processus
graduel et sophistiqué d'érosion de la souveraineté, orchestré à travers
des mécanismes de paix détournés de leur objectif initial. C'est une conquête
par instrumentalisation diplomatique.
5. Les réactions internationales : entre condamnations et impuissance
Face à cette situation,
la communauté internationale a multiplié les déclarations et les mesures, sans
parvenir à inverser la dynamique sur le terrain.
5.1 Résolutions de l'ONU
Le Conseil de sécurité
de l'ONU a adopté unanimement, en février 2025, une résolution condamnant
fermement l'offensive du M23 et exigeant :
- L'arrêt immédiat des hostilités ;
- Le retrait du M23 de toutes les zones
contrôlées ;
- Le retrait "sans conditions" des
Forces de défense rwandaises du territoire congolais ;
- Le démantèlement des administrations
parallèles établies par le M23.
Cependant, ces
exigences sont restées lettre morte. Le Rwanda continue de nier toute
implication militaire directe, malgré les preuves accablantes du Groupe
d'experts de l'ONU.
5.2 Sanctions de l'Union européenne
En mars 2025, l'Union
européenne a imposé des sanctions ciblées contre des officiers rwandais et
des leaders du M23, incluant :
- Des officiers des FDR : Ruki Karusisi,
Eugène Nkubito, Pascal Muhizi ;
- Des dirigeants du M23 : Bertrand Bisimwa,
Désiré Rukomera, Jean-Bosco Nzabonimpa Mupenzi ;
- Francis Kamanzi, PDG du Rwanda Mines,
Petroleum and Gas Board, pour son implication dans l'exploitation illégale
de minerais.
Ces sanctions, bien que
symboliquement importantes, n'ont pas modifié le comportement du Rwanda ni
freiné l'avancée du M23.
5.3 Retrait de la médiation angolaise
En mars 2025, le
président angolais João Lourenço s'est retiré de son rôle de médiateur,
après des années d'efforts infructueux dans le cadre du processus de Luanda. Ce
retrait symbolise l'échec des médiations africaines traditionnelles face à la
détermination rwandaise et à la faiblesse congolaise.
6. Perspectives et voies de résistance
Pour sortir de cette
spirale destructrice, la RDC doit repenser radicalement sa stratégie à
plusieurs niveaux :
6.1 Recentrer la diplomatie sur la souveraineté nationale
La RDC doit refuser
les cadres diplomatiques imposés sans garanties réelles de neutralité et de
respect de la souveraineté. Cela implique :
- D'exiger systématiquement le retrait
préalable de toutes les forces étrangères avant toute négociation ;
- De privilégier des alliances basées sur la
réciprocité effective, notamment avec des acteurs africains partageant une
vision panafricaniste authentique ;
- De rejeter toute négociation directe avec
le M23 tant qu'il n'a pas déposé les armes et accepté sa dissolution ;
- D'exiger la reconnaissance internationale
du Rwanda comme État agresseur, conformément aux rapports documentés de
l'ONU.
6.2 Réhabiliter la légitimité et la capacité internes
Renforcer les
institutions nationales constitue la priorité absolue :
- Restructurer, professionnaliser et équiper
l'armée (FARDC) de manière urgente ;
- Rétablir le contrôle effectif des
frontières orientales ;
- Combattre la corruption systémique qui sape
la crédibilité de l'État ;
- Restaurer la confiance du peuple dans les
institutions nationales ;
- Développer une véritable cohésion nationale
au-delà des divisions ethniques et régionales.
Une armée restructurée,
disciplinée, bien équipée et loyale est la première condition d'une paix
durable. Sans capacité militaire crédible, toute négociation diplomatique
se fera en position de faiblesse.
6.3 Réorienter le discours international
La RDC doit
systématiquement dénoncer la duplicité des acteurs extérieurs qui
soutiennent simultanément les victimes et les agresseurs. Cela nécessite :
- Une diplomatie offensive et non plus
seulement défensive ;
- L'utilisation systématique des forums
internationaux (ONU, Union africaine, Cour pénale internationale) ;
- La documentation rigoureuse des crimes de
guerre et crimes contre l'humanité ;
- La mobilisation de l'opinion publique
internationale contre l'agression rwandaise ;
- L'exigence d'une responsabilité pénale
internationale pour les dirigeants rwandais impliqués.
6.4 Valoriser les ressources nationales de manière souveraine
La RDC doit mettre en
place des partenariats transparents et équitables pour l'exploitation
minière :
- Renégocier les contrats léonins qui
dépossèdent le pays de ses richesses ;
- Créer des mécanismes de traçabilité stricte
des minerais pour combattre la contrebande ;
- Développer une industrie de transformation
locale pour capturer plus de valeur ajoutée ;
- Diversifier les partenaires économiques
pour réduire les dépendances unilatérales ;
- Investir massivement les revenus miniers
dans la défense, l'éducation et les infrastructures.
6.5 Construire une coalition régionale de résistance
La RDC ne peut affronter
seule l'expansionnisme rwandais. Elle doit :
- Renforcer ses alliances avec les pays
également menacés (notamment le Burundi) ;
- Proposer une vision alternative
d'intégration régionale basée sur le respect mutuel ;
- Mobiliser les institutions africaines
(Union africaine, SADC, Communauté d'Afrique de l'Est) ;
- Documenter et partager les preuves de
l'agression rwandaise avec tous les acteurs régionaux.
Conclusion : une paix confisquée, une souveraineté à reconquérir
L'analyse des systèmes de
Washington et de Doha révèle un paradoxe tragique : la paix n'est plus
un objectif sincère, mais un prétexte pour l'expansion géopolitique.
Dans les deux approches,
le Rwanda capitalise méthodiquement sur la faiblesse congolaise pour étendre
son influence territoriale, économique et politique, tandis que la RDC, faute
de stratégie unifiée et de capacités effectives, se contente de réponses diplomatiques
symboliques qui ne changent rien sur le terrain.
Les événements de 2025
ont confirmé cette analyse :
- L'offensive de janvier-février 2025, qui a
abouti à la conquête de Goma et Bukavu, démontre l'ampleur du soutien
militaire rwandais au M23 ;
- L'accord de Washington de juin 2025
illustre la préférence américaine pour une "stabilisation"
rapide qui ne remet pas en cause les intérêts rwandais ;
- Le processus de Doha, malgré la signature
d'une déclaration de principe en juillet 2025, a échoué à produire un
accord de paix et a surtout servi à légitimer le M23 comme acteur
politique ;
- Les sanctions internationales, bien que
symboliquement importantes, n'ont pas modifié le comportement des acteurs
sur le terrain.
Le président Tshisekedi,
en reconnaissant enfin que l'objectif du Rwanda est l'annexion du Kivu,
a mis des mots sur une réalité que les rapports de l'ONU documentent depuis des
années. Mais cette prise de conscience, si elle ne s'accompagne pas d'un changement
radical de stratégie, risque d'arriver trop tard.
La paix véritable au
Congo ne viendra ni de Washington ni de Doha, mais d'une reconstruction
de la puissance congolaise, fondée sur :
1.
La souveraineté territoriale effective et non négociable ;
2.
La justice pour les crimes commis et les responsabilités établies
;
3.
La capacité de résistance militaire, économique et diplomatique
face aux manipulations extérieures ;
4.
La légitimité interne retrouvée à travers une gouvernance
efficace et inclusive ;
5.
Une vision stratégique claire et unifiée de l'intérêt national.
Tant que la RDC
n'imposera pas son propre cadre de paix, elle restera prisonnière de ceux
qui prétendent la sauver tout en profitant de sa faiblesse. La reconquête
de la souveraineté congolaise passe nécessairement par le refus des fausses
paix qui institutionnalisent la dépossession.
Le choix est désormais
clair : accepter une
balkanisation progressive déguisée en processus de paix, ou refuser ces cadres
piégés et reconstruire, patiemment mais résolument, les fondations d'un État
souverain capable de défendre son territoire et ses intérêts.
L'histoire jugera
sévèrement ceux qui, par faiblesse ou complaisance, auront accepté le
démantèlement silencieux d'un des plus grands pays d'Afrique.
Préparé par :
Sam Nkumi, Chris Thomson & Gilberte Bienvenue
African Rights Alliance, London, UK
Version actualisée :
Novembre 2025
Sources et
références complémentaires
- Rapports du Groupe d'experts de l'ONU sur
la RDC (mai-juillet 2025)
- Résolution du Conseil de sécurité de l'ONU
(février 2025)
- Déclaration de principe de Doha (19 juillet
2025)
- Accord de paix RDC-Rwanda de Washington (27
juin 2025)
- Sanctions de l'Union européenne (mars 2025)
- Rapports du US Geological Survey sur les
exportations minières rwandaises (2022-2025)
- Analyses de Crisis Group International, ACLED, et United States
Institute of Peace (2025)