Le Rwanda utilise le M23 et les négociations de Doha comme tactiques
dilatoires avant la signature finale à Washington
Washington : une trêve diplomatique face à une guerre bien réelle
Le 27 juin 2025, un accord
de paix a été signé à Washington entre la République démocratique du Congo
(RDC) et le Rwanda, sous l’égide des États-Unis. Présenté comme une avancée
historique, ce texte prévoit le retrait des troupes rwandaises, la
neutralisation des FDLR, la protection des civils et le respect de la
souveraineté congolaise.
Donald Trump, actuel
président des États-Unis, n’a pas hésité à présenter cet accord comme la preuve
qu’il avait “apporté la paix” au Congo. Pourtant, sur le terrain, rien n’a
changé : les combats continuent, le M23 maintient ses positions et les civils continuent
de mourir.
Doha : des négociations pour gagner du temps
Depuis mi-2025, le Qatar
accueille des négociations entre le gouvernement congolais et le M23,
donnant lieu en juillet à une “Déclaration de principes” censée ouvrir la voie
à un cessez-le-feu et à des échanges de prisonniers (AP).
Mais ces pourparlers
piétinent. Comme le rapporte Reuters (source), les échéances ne sont pas respectées et le
M23 continue ses offensives. Pour de nombreux analystes, Doha n’est qu’un
instrument tactique : il permet au Rwanda, en coulisses, de maintenir le
conflit sous tension tout en retardant la mise en œuvre réelle de l’accord de
Washington.
Le M23 : un paravent pour Kigali
Le M23,
officiellement une rébellion congolaise, est depuis longtemps considéré par les
Nations unies et plusieurs ONG comme un proxy du Rwanda. Ses combattants
disposent d’armements sophistiqués et d’un encadrement militaire qui ne peut
venir que de Kigali.
En août 2025, Human
Rights Watch a documenté des massacres d’au moins 140 civils commis
par le M23, essentiellement contre des populations hutues dans le Nord-Kivu (Reuters). Ces tueries viennent s’ajouter à une longue
liste d’atrocités, comme le massacre de Kishishe en 2022.
Derrière le masque du
M23, c’est bien le Rwanda qui mène une guerre par procuration pour sécuriser
des zones stratégiques riches en minerais et affaiblir la souveraineté
congolaise.
La stratégie de Kigali : vers une balkanisation déguisée
Les observateurs de la
région estiment que Kigali cherche à maintenir un état de chaos contrôlé
dans l’Est du Congo. En gardant le M23 actif, tout en s’affichant dans des
négociations internationales, le Rwanda se donne l’image d’un acteur
“raisonnable” alors qu’il poursuit un objectif de long terme :
- Contrôle indirect des territoires congolais via des groupes armés.
- Exploitation des ressources (coltan, or, cassitérite) exportées
illégalement à travers le Rwanda.
- Affaiblissement durable de l’État congolais, ouvrant la voie à une
fragmentation territoriale.
Beaucoup y voient les
signes d’une balkanisation progressive de la RDC, sous couvert de paix.
Une crise humanitaire hors de contrôle
Derrière les tractations
diplomatiques, la population paie un lourd tribut. Selon les Nations unies,
plus de 7 millions de personnes sont déplacées internes en RDC,
principalement dans le Nord-Kivu et l’Ituri – l’un des chiffres les plus élevés
au monde.
Les civils vivent dans
des camps surpeuplés autour de Goma, sans accès suffisant à l’eau, à la
nourriture et aux soins. Dans les zones contrôlées par le M23, la population
est soumise à des taxes illégales, à des violences sexuelles et à des
exécutions sommaires.
Pour Human Rights
Watch, il ne fait aucun doute : les crimes commis par le M23 et ses
soutiens rwandais doivent faire l’objet d’enquêtes internationales et de
sanctions ciblées.
Les limites de l’accord de Washington
L’accord de Washington,
bien qu’ambitieux sur le papier, présente plusieurs faiblesses majeures :
- Pas de calendrier contraignant : le retrait des troupes rwandaises reste
théorique, sans mécanismes de vérification.
- Narratif biaisé : l’accent est mis sur la neutralisation du FDLR, un groupe
aujourd’hui résiduel, tandis que le rôle central du Rwanda est minimisé.
- Aucune sanction prévue en cas de violation des engagements.
- Risque de cogestion : en cherchant à intégrer le M23 dans un
processus politique, l’accord pourrait légitimer une présence armée
étrangère sur le sol congolais.
Autrement dit, l’accord
offre une façade diplomatique mais laisse le champ libre à Kigali pour
poursuivre ses objectifs.
Trump et la paix illusoire
En proclamant qu’il a
“apporté la paix en RDC”, Donald Trump occulte la réalité des violences
et offre une couverture politique au Rwanda. Ce discours a trois
conséquences :
- Il efface les victimes : leurs souffrances sont minimisées au nom
d’une paix de façade.
- Il renforce l’impunité de Kigali : en présentant le Rwanda comme un
partenaire de paix, il masque son rôle d’agresseur.
- Il fragilise Kinshasa : la diplomatie congolaise se retrouve
isolée, face à un narratif international qui considère le conflit comme
réglé.
Vers une paix réelle ou un théâtre diplomatique ?
Pour qu’une paix durable
s’installe, il ne suffit pas de signer des accords : il faut des actes
concrets. Cela implique :
- Le retrait effectif et vérifiable
des troupes rwandaises.
- La démobilisation du M23 et la
poursuite de ses dirigeants pour crimes de guerre.
- La protection des civils et une
réponse humanitaire d’urgence.
- Des sanctions internationales contre
les responsables de l’agression.
Sans cela, l’accord de
Washington risque de n’être qu’un mirage diplomatique, une étape de plus
dans une longue série de fausses promesses de paix.
Preparé par :
Sam Nkumi & Gilberte Bienvenue
African Rights Alliance
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